La Start-up Deep Tech Mycophyto booste les plantes par la racine en améliorant un phénomène vieux de 450 millions d’années

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Publié le 18 novembre 2020 Mis à jour le 11 mai 2021
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le 4 septembre 2020

L’émergence de potagers collectifs en ville, la distribution de « paniers » locaux ou la multiplication de casiers « bio » dans les rayons des fruits et légumes bousculent le modèle d’une agriculture intensive. Depuis une quinzaine d’années, les citoyens cherchent des produits frais, avec une meilleure qualité nutritionnelle et sûrs pour leur santé. Insecticides, pesticides et engrais, utilisés en masse pour accroître les rendements, sont parfois jugés dangereux ou rejetés au nom du principe de précaution. Les professionnels, eux, doivent

Dans des boîtes en forme de disque, Justine Lipuma cultive des plantes de laboratoire programmées pour ne développer que leurs racines. La fondatrice de Mycophyto, microbiologiste de formation, ajoute à cet environnement minimaliste des champignons invisibles à l’oeil nu, pas plus gros que la moitié d’un cheveu. Elle guette alors l’apparition de mycorhizes, des interactions à bénéfices réciproques, ayant permis aux végétaux, aux temps préhistoriques, de sortir de l’eau.

En colonisant les végétaux par la racine, les champignons les fournissent en phosphate, ce qui va « booster » le métabolisme global des plantes. Les microorganismes obtiennent en contrepartie du carbone. Or, ce mécanisme se trouve mis en péril du fait des techniques modernes de production. « Si on apporte pré-mâchés à la plante ses éléments nutritifs, par exemple au moyen d’engrais, elle n’ira pas les chercher ailleurs », explique la chercheuse. Les plantes perdent ainsi leur capacité à établir des mycorhizes. Et quand les produits phytosanitaires ne marchent pas, plus, ou quand leur usage devient proscrit pour des raisons d’écologie ou de santé publique, leur usage coûte cher aux agriculteurs.

Mais la stimulation biologique des cultures présente un intérêt plus large encore. En cosmétique et dans la parfumerie par exemple, certains industriels affichent un label 100% naturel qu’ils ne sont pas réellement en mesure de garantir et vers lequel ils aimeraient tendre. Soutenue par Christine Poncet, Directrice adjointe de l’Institut Sophia Agrobiotech et co-fondatrice de Mycophyto, Justine Lipuma a donc décidé, après sa thèse, de se lancer dans l’aventure de l’auto-entrepreneuriat et de monter une start’up pour ré-introduire la mycorhization dans les champs. « Le marché existait déjà. On vend aux exploitants des souches commerciales non spécifiques », raconte-t-elle. Avec cette méthode, comme 85% de plantes sont mycorhizables, une interaction se produira probablement. Mais il n’existe aucune garantie que celle-ci sera bénéfique pour la culture visée …

Au contraire, avec Mycophyto, Justine Lipuma a l’ambition d’identifier précisément quels microorganismes aident une espèce donnée beaucoup mieux que d’autres. Elle propose donc un « package » innovant permettant aux exploitants de faire le choix du biocontrôle. Justine Lipuma réalise un prélèvement de terrain afin de repérer les champignons indigènes, puis elle étudie les interactions qui paraissent fonctionner le mieux. Elle les sélectionne alors, amplifie leur nombre, pour enfin réintroduire dans les terres des plantes dont la colonisation a été vérifiée. « Depuis la création de Mycophyto, le temps nécessaire à la mycorhization, originellement de 3 à 6 mois, est passé à 1 mois », se félicite la biologiste. Plusieurs contrats de Recherche et Développement se sont ainsi concrétisés. Le projet européen Mycolav, a permis d’augmenter de 30% en deux ans l’envergure de plus de 5000 pieds de lavande et de lavandin cultivés en plein champs et en serre.

Un autre projet, mené conjointement avec le CRIEPPAM (1), l’Université Européenne des Saveurs et des Senteurs et l’ISA montre également, en conditions contrôlées, une augmentation de la production de métabolites et de nutriments chez les plantes. Pêle-mêle, Mycophyto est aussi en contrat sur des roseraies avec un industriel depuis octobre 2017. Elle a collaboré avec une oliveraie et participe à un projet sur la tomate porté par Inrae et Université Côte d’Azur. « Après deux ans de culture sous serre dans un système très proche de la réalité, c’est-àdire hors-sol, ce qui concerne 80% de la production en France, nous avons mesuré une augmentation de 15% de la production de fruits par pied », révèle Justine Lipuma.

Il lui reste maintenant à quantifier et à qualifier précisément les effets de la mycorhization sur le métabolisme des végétaux. « Nous savons que les microorganismes ont un effet barrière au niveau des pathogènes du sol, parce qu’ils colonisent les racines. Mais on sait aussi que les champignons boostent le métabolisme global de la plante, donc qu’ils améliorent potentiellement son système immunitaire. C’est ce que je voudrais maintenant étudier car je n’ai pas eu le temps jusqu’à présent », s’enthousiasme la chercheuse. Le cas échéant, la mycorhization pourrait conduire à une production florale en plein champs moins dépendante des aléas climatiques, donc plus constante. L’étude pourrait alors s’étendre à toute une série de problématiques agricoles urgentes.